Qualif en solo 3/5 – De retour à Ouessant

05. mars 2019 Non classé 3
Qualif en solo 3/5 – De retour à Ouessant

Après avoir enroulé la bouée de Coningbeg au large de l’Irlande, je repartai vers le Sud pour la suite du parcours…

 

Je m’éloignais rapidement de l’Irlande en rentrant dans la nuit. Je portais le gennacker sur mon bout-dehors. C’est une voile plate et rigide qui se hisse lorsque le vent est travers à la route du bateau. Pour la gréer, elle s’enroule et se déroule sur elle-même ce qui facilite la manœuvre. Le gennacker est ma voile préférée parce qu’elle stabilise la direction du bateau. Lorsque mon pilote automatique n’a pas de difficulté à garder le cap, je peux me reposer sereinement. Cette nuit-là, la mer était calme et j’ai pu filer à plus de 7 nœuds de moyenne. Mis à part quelques pécheurs dont la trajectoire m’a interpellé de temps à autres, la nuit fut douce. Mon cap était fixé pile sur les Iles Scilly.

 

Un petit schéma vaut mieux qu’un long discours

 

Vers 6h du matin, le vent a un peu adonné. « Adonner » signifie selon le dictionnaire maritime : « tourner dans un sens favorable à la marche, c’est-à-dire quand le vent vient plus à l’arrière ». Le contraire est « refuser ». Ce changement de direction du vent implique que le bateau reçoive le vent avec un angle plus ouvert. Il faut donc lâcher un peu les voiles pour qu’elles soient plus efficaces. On appelle ça les choquer. Il fallut même changer le gennacker par un spinnaker. Cette dernière voile est plus bombée et son tissu plus souple. Elle vient remplacer le gennacker sur mon bout-dehors, lors des allures où le bateau reçoit un vent qui vient de l’arrière. J’entrepris alors de rouler le gennacker, l’affaler puis hisser le spinnaker. Une fois réglé, le bateau accéléra jusqu’à 9 nœuds. En tenant fermement la barre, je tirai un peu sur la machine pour le faire partir en surf sur les vagues. Le bateau accélérait jusqu’à 13 nœuds dans les surfs !

 

Le pilote automatique n’arrivait pas à garder le bateau sur son cap. Il était déficient déjà avant le départ. Depuis plus d’un mois, il échouait à réguler la direction lorsque le bateau était sous spinnaker. En portant cette voile, le bateau est instable parce ce qu’il se fait tantôt rattraper par les vagues, tantôt c’est lui qui rattrape les vagues. Sa vitesse très irrégulière rend la conduite délicate. Je ne pouvais donc pas confier la barre au pilote plus de 10 secondes sans qu’il ne fasse un écart de route important et que le bateau se couche sur le flanc. Je n’avais pas d’autre choix que de tenir fermement la barre en main pour garder le bateau sur son cap et le maintenir dans le bon sens. Il me restait la possibilité d’affaler le spinnaker pour laisser le pilote barrer et alors voir ma vitesse significativement réduite. Je voulais avancer vite et ne pas perdre de temps. Je n’étais pas fatigué, j’ai opté pour la première stratégie et gardé la barre toute la matinée.

 

Archipel des Iles Scilly

 

A midi, j’étais devant les Iles Scilly. La veille au soir, j’étais au large de l’Irlande. Je tenais une bonne moyenne de 8 nœuds depuis l’Irlande. Les conditions étaient exceptionnelles. Mini Explorer enchainait les surfs. J’ai calé un empannage entre les Scilly et le récif de Seven Stones. Bien que le pilote ne soit pas stable plus de quelques secondes, j’ai réussi à déplacer tout mon matériel sur l’autre bord avant l’empannage. J’ai dû m’y prendre à plusieurs reprises pour remettre le bateau sur les rails entre-temps.

 

Surfs sous spinnaker

 

En passant entre les Iles Scilly et l’Angleterre, le ciel s’était dégagé et le vent était monté. Les surfs se succédaient et la vitesse moyenne restait élevée. Je ne pouvais toujours pas quitter la barre. J’enchainais dans mes écouteurs les podcasts d’Affaires Sensibles. Je m’imposais un rythme soutenu pour ne pas affaler le spinnaker. En m’éloignant des côtes anglaises, j’ai croisé les premiers cargos du trafic de la Manche. La mer se creusait. Les conditions devenaient de plus en plus dures et je commençais à fatiguer. Je me répétais  « encore un podcast et j’affale ». Un ciel de traine se formait au-dessus de moi. Les nuages apportaient des rafales qui duraient une petite dizaine de minutes.

Au milieu de l’après-midi, je me souviens avoir croisé la route d’un pêcheur à moins d’un mille nautique. Je me suis tout à coup fait surprendre par une rafale. Le mini s’est couché en travers de la route. Le bateau est parti au lof. J’ai dû choquer les voiles en grand et attendre que le bateau veuille bien remettre son mât vers le haut. J’imagine la réaction du pécheur qui voit mes acrobaties. Il a dû se dire : « C’est une nouvelle technique de navigation ça de mettre le mât dans l’eau ? Il est dangereux pour lui-même ce mec, en pleine Manche, sur son petit bateau. Il faudrait qu’il fasse demi-tour ou il va finir par se retrouver en France ! ». Ou peut-être qu’il se disait même : « J’espère qu’il n’est pas seul à bord ! ».

 

Mini Explorer sous spinnaker

 

Un quart d’heure plus tard, une forte rafale coucha mon bateau de nouveau. Toutes les voiles finirent à l’eau. J’étais épuisé. Après avoir largué la drisse de spinnaker, je ramenai la voile sur le pont. J’avais besoin de repos et j’avais faim.

Je choisis de ne pas hisser le spinnaker pour laisser le pilote maitriser le bateau. J’ai même pris un ris dans la grand-voile pour stabiliser la route. Une fois tous les bouts bien rangés, j’ai pu rentrer à l’intérieur et m’occuper de moi. Je ne faisais par contre qu’entamer la traversée de la Manche. Je me suis cuisiné un plat lyophilisé de lentilles carottes avec des petits lardons. Ensuite, allongé dans le bateau sur une mousse et le réveil programmé sur 20 minutes, j’ai essayé de relâcher la pression. Je marchais encore à 6 nœuds et à ma grande satisfaction, le pilote tenait la route. Malgré les vagues qui étaient assez grosses et courtes le pilote gérait. Je me rassurais petit à petit et je me suis endormi jusqu’à la sonnerie du réveil.

 

Carte du rail d’Ouessant et du chenal du Four

 

Le vent était encore monté un peu. Il atteignait maintenant jusqu’à 24 nœuds. J’ai mis le deuxième ris dans la grand-voile. Le bateau se tenait avec le pilote. Tout allait bien mais le temps se faisait long et j’avais hâte de retrouver ma Bretagne. Les cargos se faisaient de plus en plus fréquents et m’empêchaient de me reposer. À 22h je croisais le rail de Ouessant descendant. Cette fois-ci les navires de marchandises m’avaient fait de la place. Je n’ai pas eu à modifier ma trajectoire pour traverser ce rail. Par contre, 1h plus tard, j’atteignis le rail montant qui était plus chargé. Sur mon écran AIS, quatre cargos en file indienne étaient apparus. Le système AIS me permet d’avoir la position des navires qui possèdent le même système. Grâce à ces positions je peux anticiper les collisions. En l’occurrence, le premier cargo passerait loin devant moi, il était assez rapide. Mais pour les trois suivants la situation n’était pas si claire. Si aucunes routes n’étaient déviées, je croiserais tout juste devant le quatrième. Alerté par leur propre système AIS, le centre de Ouessant Traffic m’appela pour me prévenir de la collision imminente avec le quatrième cargos. Je pris la décision de faire deux empannages pour croiser derrière lui. La surveillance de Ouessant Traffic est rassurante dans ces moments-là. Lors de mon deuxième empannage, je suis passé à moins d’un mille de lui. Même si ça reste une distance raisonnable, en pleine nuit et avec les vagues, croiser les feux d’un cargo n’est jamais une chose rassurante. A présent, le rail d’Ouessant était derrière moi.

 

Journal de bord : « Après quelques empannages et passages de cargos, j’arrive sur le chenal du Four. »

 


3 commentaires sur “Qualif en solo 3/5 – De retour à Ouessant”

  • 1
    Christian PRIGENT le 5 mars 2019 Répondre

    Bravo Hugo pour ton périple très intéressant ,c’est pas évident de naviguer la Manche c’est un vrai autoroute bon courage Christian (ton grand oncle)

    • 2
      Hugo le 6 mars 2019 Répondre

      Merci beaucoup,
      Oui je vous très bien qui tu es.
      Bisou.

  • 3
    M. Sarual le 7 mars 2019 Répondre

    Tes récits sont toujours de belles échappées ; il est agréable de te lire !
    Un talent à cultiver pour d’autres plus long voyage.

    Vivement la suite !

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